mercredi 28 décembre 2011

De Thomas Vinau Marcher contre le vent

Marcher contre le vent
Marcher contre le vent. Plus ou moins droit.  plus ou moins régulier. Jusqu'au rouge des oreilles.  User quelque chose de soi dans de grands frottements métalliques de glace et de ciel. Raboter ses humeurs à l'air libre. Desquamer dans les vacarmes de la lumière. Finir par s'installer bien au chaud à l'intérieur de soi. Entre des couches et des couches de silence.

Trouvé sur angle vivant, de Florage, je ne trouve pas le nom de l'auteur mais j'aime ça!

il y a une atmosphère à cette aube qui suit. elle transpire le nouveau jour. elle l’embrasse. il lui dit de dormir. les choses doivent s’endormir. partir par la fenêtre. se coucher dans l’ombre du jour. les volets blindés en bois. les rustiques volets méditerranéens cachent une foule qui n’a rien vu. elle n’a rien connu non plus. il fait une température, un nid de sommeil approche. je me fous de tout. je ne sais pas. pourquoi il le faut, pourquoi j’ai vécu cela. je fais ce que la raison me dicte. l’appétit des choses. une chimère. le mouvement. je suis dicté. une chose me dit. elle est muette. je suis heureux. j’ai oublié la règle du con qui m’a chié une pendule. c’était qui. je n’ai pas de conseils à entendre d’un mort. de la vie peut-être. l’éventail du matin. ses félicitations. les ouvriers sains. ceux qui acceptent les choses comme elles sont. pas les trous du cul qui donnent des conseils mais ne donnent pas de cigarettes. j’aime ce matin. le dernier des cons m’a reproché mon amour. je n’ai rien eu à lui dire avant que la vérité se vérifie. je n’étais pas là pour voir le spectacle. j’étais avec le chien gris. les spectres. la vraie vie quoi. je sens l’humanité. ça sent un parfum subtil. ça sent le vrai et la vie. le danger et l’intelligence. ça sent les peuples et le fruit du travail. ça sent un sourire. il y a une vague dehors qui s’amplifie et donne du rythme. les premiers passants. c’est déjà les lourds rayons. mes draps transpirent. j’aime l’odeur qui fait vaciller les filles. ça colle un peu d’amour, ça colle de vie. on devrait me payer pour ça. j’apporte du bonheur. on devrait me payer pour être heureux. on devrait me remercier d’écouter les chants. les groupes. les soleils. la soie et le flacon en parfum de ma pièce rance.

jeudi 22 décembre 2011

L'ampleur de ton silence me fera t'elle faire un pas d'une grandeur équivalente vers l'avant.

mercredi 21 décembre 2011

dimanche 4 décembre 2011

Trouvé au hasard sur la toile

Le message disait, laconique : « Ayant rompu avec le cycle de toutes les saisons, Tigre, Argentine, il fait très chaud et je n’ai pas l’énergie de sacrifier au rituel des cartes postales. Amitiés. »


Celles et ceux qui l’ont reçu se le rappellent encore, du fait de sa brièveté et de son caractère incongru, du fait de sa diffusion par un téléphone mobile, du fait aussi de son absence de signature, qui allait conduire les plus assidus à y répondre, les plus paresseux, même au cœur de l’hiver, à simplement s’étonner de la nouvelle et à s’interroger quelques instants sur la provenance d’un message inhabituel.

Celui qui l’avait envoyé, dans un éclair rare pour lui d’amitié, s’interrogeait, au même moment de l’envoi, sur la manière dont on interprèterait son message et cette rupture du cycle des saisons, qui lui apparaît encore, revenu croyait-il de tout et de son périple, comme il lui apparaissait avant de partir : comme une sorte de blasphème. Aller se heurter aux vagues de Copacabana pour retrouver dans la baie, tard le soir, cette eau universelle où toutes et tous sont encore réunis une fois avant la marée qui emportera tout au large, cela lui apparaît encore aujourd’hui comme un geste impossible.

Mais le souvenir d’avoir abandonné dans l’eau salée quelques larmes aussitôt asséchées modère ce sentiment de culpabilité, et lui donne même tout son sens, dans ce début de réconciliation avec les éléments naturels. De même que le souvenir du doux scintillement au bout de la baie d’Ipanema du nuage de lumières des Favelas Vidigal et Chacara do Ceu, qui donne plus d’humanité à ce paysage de carte postale sur lequel tombe maintenant une nuit très sombre découpée par les projecteurs de la plage.

En chemin, d’aéroports en aéroports, il avait projeté sur les lieux ses interrogations meurtries, et d’ailleurs, en fait de lieux, il s’agissait plutôt d’îles sur les continents — tout le reste n’est que marais, pense-t-il, pour celles et ceux qui regardent le balai incessant des avions depuis l’aire d’embarquement. Une fois en vol, il avait réalisé que les avions ne regardent ni devant ni derrière eux, qu’ils sont immobiles dans le ciel, comme lui sur son siège. Seuls les bateaux regardent derrière eux, leur sillage et l’écume, à l’instar de celui qu’il avait pris pour rejoindre l’Uruguay, de l’autre côté du delta.

Mais nul flanc enfant d’une sirène noyé dans les eaux du Rio del Plata, filant les trente nœuds, le cap sur Colonia del Sacramento, avant de repartir en bus pour Montevideo, en plein carnaval, sur les traces de Lautrémamont, puis pour Chuy, à la frontière du Brésil, puis, plus haut, pour s’étendre sur le sable chaud des plus belles plages du monde.

En naviguant sur les eaux brunes du delta, comment ne pas penser à Dans la ville blanche d’Alain Tanner et à cet homme sans mémoire autre qu’une pauvre cassette audio ? Comment ne pas penser à ce vent chaud qui rend fou, l’Amok, et au fou de Malaisie, comment ne pas penser au fœhn qui remonte les coteaux des Alpes, tout là-haut dans l’hémisphère nord ? À la frontière déserte, en pleine nuit, entre l’Uruguay et le Brésil, où rien n’arrive jamais, comment ne pas penser à Un Homme est passé de John Sturges et à Spencer Tracy ?

Et en passant dans le quartier du carnaval, Carioca, puis en retrouvant le vieux tram de L’Homme de Rio, toujours en service, dans celui de Santa Teresa, en en descendant près de la Cathédrale en forme de cône, après avoir traversé un pont en forme d’aqueduc, comment ne pas penser une nouvelle fois à Stefan Zweig au Brésil, qui allait revivre dans le chaos du carnaval le désastre de l’Europe dont il était l’un des grands esprits, du haut de son promontoire salzbourgeois ?

Le cycle des saisons s’est interrompu, mais la marche du temps demeure inexorable, qui égrène les secondes sur la vieille pendule de réfectoire de son bureau. Et au cycle habituel des saisons succèdent en une seule année les deux hivers les plus rigoureux du nouveau siècle, pour lui qui plonge un long regard dans le sillage du bateau, un bras loin devant lui et l’autre dans la même position que celui d’un danseur de tango privé de partenaire, qui mime une danse de couple là-bas, dans un coin de la salle.

Amérique du Sud, Février 2011.

Eugène Rivière